Rapportez-moi pour réemploi
Par Céline Brémont et Bruno Batifoulier
Retrouver ici l’article de la Revue N° 5 en version longue
Reconstruire une boucle locale de réemploi dans les Alpes du Sud. C’est le pari de l’association Comm’Une bouteille, en coopération avec la scop Biocoop l’Épine Vinette. Rencontre avec Céline Brémond et Edwige Leblond.
Qu’est-ce que le réemploi ?
Toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui ne sont pas des déchets finaux sont utilisés de nouveau pour un usage identique à celui pour lequel ils avaient été conçus. La consigne induit en plus une notion d’argent.
Bruno : Céline, tu es à l’origine de l’association locale « Comm’une bouteille ». Peux-tu nous présenter votre association et son action ?
Céline : Comm’une bouteille est une petite structure associative née en 2021. Nous sommes hébergés par Maison Commune, une Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC) au sein de la cité ouvrière de Saint-Auban. Tout a démarré en 2021 : nous étions préoccupés par l’idée de remettre localement en œuvre la consigne pour réemploi du verre. Nous nous sommes aperçues qu’il y avait bien plusieurs unités de collecte/lavage en France mais pas au niveau local. Par ailleurs, les circuits de consigne et réemploi du verre alimentaire ont disparu en France au cours des années 70.
B: Que s’est-il passé dans les années 70 ?
C : Les années 70 furent celles de l’apogée du « plastique, c’est fantastique ». De nombreuses marques se sont libérées du devoir de consigne/collecte/lavage, tout en mettant en avant -pour ses consommateurs- l’avantage des contenants plastiques. Le marketing a aussi poussé chaque marque à se différencier par la forme des bouteilles et des étiquettes. Ceci a joué un rôle majeur dans l’abandon de la standardisation nécessaire au réemploi. En effet, les équipements de lavage fonctionnent sur des standards techniques précis : une bouteille qui sort de chaîne non déshabillée, impropre ou cassée, est un échec.
B : Comment avez-vous démarré votre activité ?
C : Premièrement nous avons réalisé plusieurs périodes d’observation au sein de l’entreprise « Ma bouteille s’appelle revient », collecteur-laveur pour les départements Drôme-Ardèche. Cette coopération nous a aidé à imaginer et construire notre projet. Ensuite, nous nous sommes appuyées sur le Réseau national Vrac et Réemploi qui est référent dans le domaine. L’association portant le réseau offre un espace de réflexion et de mise en commun des pratiques. Elle est à l’origine du pictogramme national « Rapportez-moi pour réemploi » actuellement utilisé par tous les opérateurs du marché sur les supports de communication.
B : Pourquoi laver les bouteilles plutôt que les recycler ?
C : Nous voulons proposer une alternative au recyclage, une pratique énergivore qui consiste à casser, fondre et refabriquer parfois à l’identique la bouteille recyclée. Du point de vue environnemental, la différence est immense : de 33 % à 50% d’eau et 80% d’émission de Gaz à Effet de Serre en moins. Le réemploi trouve plus de sens depuis 2021 où une tension mondiale s’est opérée sur le verre avec une une hausse du prix du neuf de 25 à 50% selon les modèles. Le réemploi entre aussi dans la logique de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS). Les associations et entreprises de cette filière visent à créer de l’emploi durable mais aussi à faire du lien entre les entreprises d’un même territoire. Cette année, nous avons créé un premier emploi dédié à notre activité.
B: Comment voyez-vous la suite ?
C : A l’instar des autres collecteurs-laveurs nationaux, nous souhaitons devenir une entreprise d’insertion par le travail. Le principal levier pour parvenir à développer et structurer notre fonctionnement est politique : nous sollicitons et espérons depuis le début un accompagnement technique, logistique et financier des pouvoirs publics sur l’enjeu du réemploi. La loi AGEC a fixé un objectif de 5% des volumes vendus compatibles pour le réemploi en 2023 et 10% en 2027. Il faut que collectivement nous parvenions à mettre en œuvre les structures qui vont avec.
B: Comment coopérez-vous avec les producteurs et magasins distributeurs ?
C : Les producteurs locaux des Alpes de Haute-Provence et Hautes-Alpes se sont d’emblés montrés intéressés pour s’engager dans les contraintes du réemploi : adopter des bouteilles standardisées, employer un papier d’étiquette et une colle compatibles avec le lavage, accepter le délai de retour des bouteilles dans le stock… Nous les accompagnons dans leur transition. Concernant les magasins distributeurs, nous nous sommes tournés d’emblée vers le réseau Biocoop que nous connaissions déjà pour ses engagements forts en faveur de l’environnement.
B : Edwige, tu es l’une des deux co-gérantes de la société coopérative et participative (Scop) l’Épine Vinette, magasin du réseau Biocoop à Briançon. Racontez-nous comment vous vous êtes engagées sur le démarrage du projet Comm’une bouteille ?
Edwige : Premièrement au niveau national, la coopérative des magasins Biocoop -dont notre Scop L’Epine Vinette fait partie- a déployé une feuille de route pour la réduction des déchets et des emballages. Dans ce contexte Biocoop a développé une gamme de bouteilles réemployables à sa marque. Depuis 2023, l’ensemble des emballages en verre de nos bouteilles et bocaux est désormais au standard réemployable. Biocoop a donc cherché des acteurs du réemploi sur chaque territoire afin de proposer aux magasins de devenir « points de collecte ». Il s’agit de recueillir, trier et stocker bénévolement les bouteilles vides rapportées par les consommateurs. Celles-ci sont ensuite récupérées à intervalles réguliers par le collecteur-laveur local, avant d’être ensuite redistribuées propres aux producteurs engagés dans la boucle. Cette boucle coopérative repose actuellement sur beaucoup de bonne volonté et d’engagement de tous : professionnels comme citoyens.
B : Que se passe-t-il à l’échelon local ?
E: L’Epine Vinette a toujours eu à cœur de s’inscrire dans un engagement écologique durable sur notre territoire haut-alpin. Nous recherchions un acteur local en capacité de collecter et de laver les bouteilles. Nous avons subventionné -en coopération avec la Maison locale Biocoop 04-05- le début de l’activité de l’association Comm’Une Bouteille. Et un beau jour, Céline est venue nous livrer les premières caisses vides afin que nous puissions démarrer à collecter ! Aujourd’hui ce sont déjà 2 500 bouteilles récoltées chaque année sur notre seul magasin l’Epine Vinette, sur la base d’une centaine de références Biocoop éligibles au réemploi et une dizaine de producteurs locaux qui adhèrent au projet !
Les chiffres clés
– 830 points de collecte réemploi référencés au national
– 530 producteurs divers et variés engagés dans le réemploi
– 4 centres de lavage régionaux opérationnels fin 2023
– 1.4 Million de bouteilles réemployées : lavées et remises dans le circuit en 2022.
Source : https://franceconsigne.fr/
B : Que se passe-t-il à l’échelon local ?
E: L’Epine Vinette a toujours eu à cœur de s’inscrire dans un engagement écologique durable sur notre territoire haut-alpin. Nous recherchions un acteur local en capacité de collecter et de laver les bouteilles. Nous avons subventionné -en coopération avec la Maison locale Biocoop 04-05- le début de l’activité de l’association Comm’Une Bouteille. Et un beau jour, Céline est venue nous livrer les premières caisses vides afin que nous puissions démarrer à collecter ! Aujourd’hui ce sont déjà 2 500 bouteilles récoltées chaque année sur notre seul magasin l’Epine Vinette, sur la base d’une centaine de références Biocoop éligibles au réemploi et une dizaine de producteurs locaux qui adhèrent au projet !
B: Quels sont vos idéaux de réemploi pour l’avenir ?
E : Chez Biocoop nous nous inscrivons désormais dans la promesse très forte d’atteindre à court terme (2025) 50 % de notre offre générale vendue au consommateur sans emballage à usage unique : c’est à dire uniquement en emballages rechargeables (vrac) ou réemployables (consigne/réemploi). Pour atteindre cet objectif nous comptons pleinement sur la montée en puissance de Comm’Une bouteille. Mais nous avons aussi une vision à court, moyen et long terme :
- Dans 1 an : Tous les producteurs et transformateurs locaux adhèrent au projet du réemploi et uniformisent leur bouteilles et bocaux.
- Dans 5 ans : La coopérative Biocoop propose une offre 100% réemploi sur le segment boissons. Cela signifie s’accorder avec les centaines de fournisseurs de Biocoop et c’est un joli chantier !
- Dans 10 ans : Je rêve d’une harmonisation nationale pour tous les distributeurs alimentaires. Toutes les bouteilles du marché seraient éligibles au réemploi et nous verrions fleurir des unités de lavages dans notre tissu local. Cela signifiera que le réemploi fera alors partie de notre quotidien, comme chez nos voisins Allemands et Belges.
B : Céline, quels sont vos idéaux de réemploi pour l’avenir ?
C : Il n’existe pas encore d’unité de lavage dans nos départements limitrophes 04 et 05. Quatre grandes unités de lavage ont émergé à l’échelon national et il est apparu que leur utilisation jusqu’à pleine charge est la meilleure option. Lorsque ces unités seront saturées se posera la question de l’implantation et du financement de nouvelles unités. Notre projet majeur serait de créer une unité de lavage dans les Alpes de Haute Provence, département central, afin d’optimiser encore l’impact carbone de l’activité.
Zoom sur la Biocoopine
Une bière spécialement élaborée pour les magasins Biocoop locaux (04-05) par la Brasserie Artisanale de Serre-Ponçon (BASP). Naturellement conditionnée en bouteille verre conforme pour le ré-emploi !
Contacts
Comm’une bouteille
Tél. 06 66 92 13 91
communebouteille@mailo.com
www.communebouteille.org
Scop Biocoop L’Epine Vinette
Tél. 04 92 51 53 22
info@biocoop-epinevinette.com
www.biocoop-epinevinette.com